OPTIQUE CRISTALLINE - Principes physiques

OPTIQUE CRISTALLINE - Principes physiques
OPTIQUE CRISTALLINE - Principes physiques

L’optique cristalline englobe, à l’heure actuelle, non seulement l’optique des cristaux, mais aussi celle des corps liquides, solides ou gazeux dont l’arrangement atomique présente une asymétrie.

On qualifie d’« isotrope » un corps qui a les mêmes propriétés dans toutes les directions. Dans les diélectriques, la permittivité 﨎 est une constante, et l’induction électrique っ est toujours parallèle à la direction du champ électrique appliqué つ. Dans les corps que nous étudions, les forces de liaison entre les particules chargées dépendent de la direction du champ appliqué. La permittivité électrique n’est plus un scalaire, mais un tenseur (réel ou complexe). Le champ et l’induction électriques sont liés

par la relation fondamentale っ = [ 﨎] つ.

Nous étudierons plus particulièrement deux propriétés fondamentales: la biréfringence rectiligne et le pouvoir rotatoire (ou biréfringence circulaire).

Dans une direction, à l’intérieur d’un corps doué de biréfringence rectiligne, peuvent se propager, sans déformation, mais avec des vitesses différentes, deux vibrations rectilignes dont les directions, perpendiculaires, sont complètement déterminées par les directions cristallographiques du milieu. Ces corps, dits «biréfringents», ne répondent pas aux lois classiques de la réfraction: un rayon incident donne naissance à deux rayons réfractés.

Les cristaux naturels sont souvent biréfringents, mais on peut faire apparaître des directions privilégiées dans des corps initialement isotropes sous l’action d’une contrainte mécanique (photo-élasticimétrie), d’un champ électrique (électro-optique) ou d’un champ magnétique (magnéto-optique).

Dans une direction, à l’intérieur d’un milieu doué de pouvoir rotatoire, peuvent se propager, sans déformation, mais avec des vitesses différentes, deux vibrations circulaires de sens contraire (d’où le nom de biréfringence circulaire). Lorsque ces vibrations circulaires ont même module, leur résultante est une vibration rectiligne qui tourne, au cours de la propagation, d’un angle proportionnel à l’épaisseur traversée. Cette propriété se rencontre dans de nombreux cristaux et aussi, contrairement à la biréfringence rectiligne naturelle, dans les corps non cristallisés liquides, solutions ou gaz. Le pouvoir rotatoire peut être naturel ou induit.

1. Biréfringence

Expérience fondamentale

En 1669, E. Bartholin mit en évidence le phénomène de double réfraction. Une lame à faces parallèles, taillée dans de la calcite (spath d’Islande), suivant un plan de clivage, et éclairée, sous incidence normale, par un fin pinceau de lumière naturelle, transmet deux rayons (fig. 1): un rayon non réfracté, appelé ordinaire , et un rayon anormalement réfracté, appelé extraordinaire . Alors que la lumière incidente ne présente pas d’axe de symétrie (cf. LUMIÈRE - Optique), les faisceaux transmis transportent des vibrations rectilignes dont les directions sont perpendiculaires (cf. infra , Polarisation rotatoire ).

Tenseur permittivité

On montre que, dans les milieux présentant de la biréfringence, il existe un système d’axes orthonormés Ox , Oy , Oz , appelés axes principaux , tels que le tenseur permittivité [ 﨎r ] a une forme diagonale (cf. CRISTAUX-Cristallographie). Dans le cas particulier, très fréquent, des milieux uniaxes (que nous traiterons ici), deux permittivités principales sont égales:

Le champ électromagnétique a une symétrie axiale autour de Oz . Cette direction

privilégiée porte le nom d’axe optique だ.

Équations de Maxwell

Considérons une onde harmonique plane 行, de pulsation 諸; le champ électrique つ, en un point M du milieu tel que OM= , est de la forme:

E0étant le vecteur polarisation et le vecteur d’onde, tel que:

où ね est le vecteur unitaire, normal à l’onde 行, v la vitesse de propagation normale à l’onde ou vitesse de phase et n l’indice normal.

Les équations de Maxwell (cf. infra ) s’écrivent:

L’élimination de H entre (4) et (5) donne:

Après développement, on aboutit à l’équation fondamentale:

Surfaces des indices

Cherchons les vecteurs d’onde et les vecteurs polarisation associés à une direction de propagation normale donnée. L’axe Oz est obligatoirement parallèle à l’axe optique. Le choix de l’axe Ox est arbitraire, par suite de

la symétrie autour de だ; prenons-le, par exemple, dans le plan de section principale (P.S.P.) contenant l’axe optique et la normale à l’onde (fig. 2). On a:

Compte tenu de (1), l’équation (9) donne les trois égalités:

L’équation (12) implique:

Les équations (11) et (13) donnent:

(de plus, on voit que ce champ est tangent à l’ellipse (15)).

Les résultats sont résumés sur la figure 2: à une direction de propagation normale ね correspondent 2 vitesses de phase vO et ve et 2 champs polarisés rectilignement, EOperpendiculaire à (P.S.P.)O et Eedans le plan (P.S.P.)e .

Lorsque la direction de ね varie dans l’espace, l’extrémité du vecteur d’onde se déplace sur une surface à deux nappes:

– La nappe ordinaire , d’équation:

est une sphère de rayon k 0 (comme si le milieu était isotrope).

– La nappe extraordinaire , d’équation

est un ellipsoïde de révolution autour de だ, d’axes k O et k E (ces nappes sont bitangentes sur l’axe optique).

Les surfaces des indices se déduisent des lieux des extrémités de par une homothétie de rapport 1k O = c 諸 (fig. 3). On définit la biréfringence par la différence n = n En O, qui peut être négative ou positive. Les valeurs extrémales de n e sont n E et n O (cf. tableau).

Double réfraction: vecteur d’ondes, vecteur polarisation, vecteurs de Poynting

Étudions comment une onde plane 行i , de vecteur d’onde i , se propageant dans un milieu isotrope d’indice n , se réfracte dans un milieu anisotrope uniaxe d’indices principaux n O et n E. Désignons par r O et r e les vecteurs d’ondes correspondant aux ondes 行O et 行E. Si les deux milieux sont séparés par une surface plane dont un point courant est repéré par size=1, les conditions de continuité sur le dioptre imposent (cf. LUMIÈRE - réflexion et réfraction):

Cette relation montre que les vecteurs d’ondes i et r sont coplanaires et ont même projection OH sur la surface du dioptre. Comme dans le cas des milieux isotropes, les vecteurs d’ondes s’obtiennent grâce à la construction de Snell appliquée aux nappes ordinaire et extraordinaire (fig. 4).

Les directions des différents éléments du champ électromagnétique donnés par les équations de Maxwell sont représentées sur les figures 5 a et 5 b. Les inductions électriques っO et っe sont toujours rectilignes et transverses: face="EU Arrow" っO est dans 行O et (P.S.P.)O, っe est dans 行e et (P.S.P.)e . Par contre, つe n’est en général pas transverse, alors que つO est toujours dans le plan d’onde ordinaire.

Le vecteur de Poynting ひ, défini par

ひ = 12 つ 炙 で, donne la direction de propagation de l’énergie, soit encore la direction des rayons lumineux. On voit que ひO est parallèle à O; comme dans les milieux isotropes, le rayon ordinaire et la normale à l’onde sont confondus. Par contre, ひe et e ne sont pas colinéaires (sauf si e est parallèle ou perpendiculaire à だ). En général, le rayon extraordinaire et la normale à l’onde ne sont pas confondus.

On a coutume d’appeler vibration lumineuse, ou encore vecteur de Fresnel , le vecteur induction électrique qui est toujours transverse et d’appeler plan de vibration le plan っ 練 ね normal au plan d’onde et contenant っ.

2. Interférences en lumière polarisée

Les différents états de polarisation seront représentés par des vecteurs de Jones (cf. LUMIÈRE - Polarisation).

Lignes neutres

Reprenons la lame cristalline de la figure 1. Éclairée par une onde plane 行i parallèle aux faces , elle transmet deux ondes planes et parallèles 行O et 行e , polarisées rectilignement suivant Ox et Oy , Oz étant la direction de propagation normale commune à toutes les ondes (fig. 2). On exclut le cas particulier où l’axe optique だ serait perpendiculaire aux faces et où les ondes transmises seraient confondues. Si la vibration incidente est rectiligne, on peut la décomposer suivant Ox et Oy ; elle est de la forme (ab ).

Ces composantes, en phase avant traversée de la lame, se propagent avec les vitesses vO et ve . Après avoir parcouru la distance géométrique l dans le cristal, elles acquièrent les déphasages 﨏O = k Ol et 﨏e = k e l et donnent en général une vibration elliptique ae j size=1O
de composantes ().
be j size=1e

Seule, une vibration parallèle à Ox ou parallèle à Oy est transmise sans déformation; c’est pourquoi Ox et Oy sont appelées les lignes neutres de la lame.

Conditions d’obtention des interférences avec une source thermique

Soit une source thermique émettant des vibrations rectilignes de direction, d’amplitude et de phase aléatoires (cf. LUMIÈRE Optique) [fig. 6 a].

La lame ne laisse passer que les vibrations (ou composantes de vibrations) parallèles à ses lignes neutres. Les composantes du champ, suivant Ox et Oy , sont, à l’entrée du cristal:

On a deux vibrations rectilignes, perpendiculaires et incohérentes puisque E0x , E0y , 﨏x , 﨏y sont aléatoires.

À la sortie de la lame, le champ est de la forme:

O et 﨏e sont constants. On a encore deux vibrations rectilignes, perpendiculaires, incohérentes: l’onde ordinaire et l’onde extraordinaire ne peuvent pas interférer.

On ne peut pas modifier le caractère aléatoire des amplitudes et des phases des vibrations. En revanche, on peut imposer une seule direction de vibration. Plaçons, devant la lame, un polariseur linéaire P dont la direction privilégiée fait l’angle 見 avec Ox (fig. 6 b). Il transmet la vibration rectiligne cos 見
().sin 見

Le terme aléatoire a été sous-entendu puisqu’il intervient de la même façon sur la composante Ox que sur la composante Oy.

La lame transmet deux vibrations rectilignes, perpendiculaires, cohérentes:

Un analyseur rectiligne A, dont la direction privilégiée fait l’angle 廓 avec Ox , permet d’obtenir deux vibrations rectilignes, parallèles et cohérentes. Il transmet l’amplitude:

En conclusion: pour obtenir des interférences, la lame biréfringente doit être placée entre un polariseur rectiligne P et un analyseur rectiligne A (fig. 7 et 8). Dans ces conditions, l’intensité recueillie a pour expression:

ce qui s’écrit:

Cette expression ne change pas lorsque 見 ou 廓 varie de 神; seules, en effet, les directions de transmission du polariseur et de l’analyseur sont définies. Le premier terme de (19) ne dépend pas du cristal. Il exprime simplement la loi de Malus. Le deuxième terme dépend de la lame par son orientation par rapport au polariseur et à l’analyseur et par le déphasage 﨏 qu’elle a introduit. Supposons d’abord 﨏 donné, on peut obtenir des minimums nuls et des maximums aussi intenses que possible en choisissant pour 見 et pour 廓 les valeurs:

ce qui, en résumé, signifie qu’on doit placer le polariseur et l’analyseur de façon que leurs directions privilégiées soient à 450 des lignes neutres de la lame.

Lorsque ces polariseurs sont croisés (directions privilégiées perpendiculaires), on a:

et, entre polariseurs parallèles, on a:

La figure 9 illustre quelques cas particuliers (P et A sont croisés).

Interférences en lumière parallèle

Polarisation chromatique

En polarisation chromatique, la différence de phase dépend de la longueur d’onde. En lumière blanche, les différentes radiations ne sont pas affectées de la même façon et l’on observe des colorations. On comprend que pour une espèce cristalline déterminée et une lame d’orientation donnée, c’est-à-dire pour une valeur fixée de n En O, l’examen des couleurs de polarisation chromatique permette d’estimer l’épaisseur l .

À titre d’exemple, prenons une lame onde pour la radiation vert-jaune = 0,555 猪m: c’est pour cette radiation que l’œil présente le maximum de sensibilité. À la sortie de l’analyseur, supposé croisé avec le polariseur, cette radiation est complètement éteinte. Si la source est polychromatique, les longueurs d’onde plus courtes (bleue) ou plus longues (rouge) passeront partiellement, car le déphasage change avec la longueur d’onde et l’œil de l’observateur recevra un mélange des radiations extrêmes du spectre, mélange dont la couleur est pourpre. On dit qu’on a une teinte sensible. En effet, une très légère variation de la différence de marche l (n En O) fait virer la teinte au bleu ou au rouge. L’œil, très sensible à ces variations de teinte, est capable de détecter des différences de marche de l’ordre de/1 000.

Microscope polarisant

Le microscope polarisant se compose essentiellement d’un microscope ordinaire auquel on adjoint un polariseur sous la platine et un analyseur dans le faisceau image. Il permet d’observer, en plus des cristaux, de nombreuses substances organiques (fibres musculaires, grains d’amidon, parois de cellules ou de vaisseaux végétaux); les molécules de ces substances présentent des orientations privilégiées d’où une anisotropie qui les rend biréfringentes.

Photoélasticimétrie

La construction d’ouvrage d’art ou de machines mécaniques nécessite une étude approfondie de résistance des matériaux. Il est souvent commode, lorsqu’on a affaire à des pièces planes, de fabriquer un modèle de la pièce, à échelle réduite, en matière isotrope transparente telle que l’Altuglas. Soumis à des efforts proportionnels à ceux qu’aura à subir la pièce réelle, l’Altuglas devient biréfringent. Les directions des vibrations privilégiées, en chaque point, sont celles des tensions principales et la biréfringence est proportionnelle à la différence de ces tensions. On utilise en photoélasticimétrie un montage tel que le montage schématisé sur la figure 10. Les lignes d’égale biréfringence sont appelées lignes isochromatiques car la teinte ne dépend que de la biréfringence. À partir de cet examen, on peut modifier la forme de la pièce pour qu’il n’y ait plus de tensions trop importantes. Il est même possible de faire un examen sur pièce réelle. On badigeonne la pièce avec un vernis photoélastique (qui présente les mêmes propriétés que l’Altuglas). L’observation se fait par réflexion, alors que, dans le cas précédent, elle se faisait par transmission.

Effet Kerr

La biréfringence accidentelle d’un corps normalement isotrope peut être due à un champ électrique (effet Kerr). Si, par exemple, on soumet du nitrobenzène à un champ électrique intense, les molécules, qui présentent un dipôle électrique important, tendent à s’orienter dans le champ et il en résulte une anisotropie optique: le milieu devient uniaxe, la direction de l’axe optique étant celle du champ électrique. La biréfringence est proportionnelle au carré du champ E suivant la relation:

B, constante de Kerr, varie peu avec la longueur d’onde et peut être positive ou négative.

On utilise le montage schématisé sur la figure 11. La cellule de Kerr, remplie de nitrobenzène, est traversée par un faisceau parallèle. La vibration incidente, transmise par le polariseur P, faisant un angle de 450 avec la direction E, est décomposée en deux vibrations rectangulaires. Après un trajet l ces deux vibrations sont déphasées de:

et leur résultante est en général une vibration elliptique inscrite dans le carré ayant pour diagonale la vibration rectiligne incidente. On détermine la constante B en analysant la vibration elliptique qui émerge de la cellule de Kerr. Les études d’effet Kerr présentent un grand intérêt pour la connaissance des structures moléculaires.

L’inertie de la rotation des molécules introduit une constante de temps qui peut atteindre plusieurs secondes dans le cas du verre. Pour le nitrobenzène, le retard est très petit, de l’ordre de 10-11 seconde. Cette très faible inertie du phénomène peut être mise à profit pour réaliser des obturateurs ultra-rapides ou des modulateurs d’intensité lumineuse à fréquence élevée.

Un obturateur de Kerr s’obtient, par exemple, en appliquant des impulsions de tension à une cellule de Kerr remplie de nitrobenzène (valeur élevée de B) et placée entre polariseurs croisés, à 450 de la direction de E. Une série d’impulsions électriques en créneaux découpe la lumière comme le ferait une roue dentée tournant à grande vitesse et peut être utilisée pour une mesure précise de la vitesse de la lumière. On utilise des obturateurs de Kerr en cinématographie ultra-rapide par exemple.

L’application en modulateur linéaire (I fonction linéaire du champ appliqué E) demande quelques précautions. En effet, si l’on dispose une cellule de Kerr entre polariseurs croisés et si I0 est l’intensité du faisceau incident, l’intensité du faisceau émergent est:

Il n’est pas une fonction linéaire de E, mais varie avec E suivant la courbe de la figure 12, le départ étant parabolique pour E 力 0. Il faut donc faire varier E, non pas autour de la valeur 0, mais autour d’une valeur E0 abscisse du point d’inflexion de la courbe: cela s’obtient en ajoutant un champ auxiliaire E0 constant au champ variable E qui commande la modulation.

Effet Pockels

De même, certains cristaux deviennent biréfringents sous l’action d’un champ électrique; c’est le cas du K.D.P. (potassium, dihydrogène, phosphate) et de l’A.D.P. (ammonium, dihydrogène, phosphate). Si on dépose, sur les faces du cristal, des électrodes semi-transparentes de façon à ce que le champ appliqué つ soit parallèle au faisceau lumineux, la biréfringence induite est directement proportionnelle à E. Ces cellules de Pockels sont souvent utilisées comme interrupteurs ou modulateurs de lumière (cf. Télécommunications optiques).

Biréfringence magnétique

Sous l’effet d’un champ magnétique, presque tous les liquides deviennent plus ou moins biréfringents: c’est l’effet Cotton-Mouton . L’observation se fait suivant une direction perpendiculaire au champ magnétique: le liquide se comporte comme un milieu uniaxe dont l’axe optique est dirigé suivant le champ. La biréfringence est proportionnelle au carré du champ H suivant la relation:

C est la constante de Cotton-Mouton.

Ce phénomène présente un grand intérêt pour les études des propriétés moléculaires; mais, étant peu intense, il n’a pas reçu d’application technique.

Contraste interférentiel

Les interférences en lumière polarisée sont également applicables à l’observation des objets isotropes transparents. La figure 13 représente le schéma de montage d’une observation en contraste interférentiel. A est un objet «de phase», parfaitement transparent, présentant des variations d’indice ou d’épaisseur; c’est par exemple une lame de verre à faces parallèles présentant une légère variation d’épaisseur. L’objet A est éclairé en faisceau parallèle et l’objectif O en donne une image en A dans le plan d’observation E. Dans le plan focal de l’objectif O où se trouve l’image de la source, on place une lame biréfringente Q entre deux polariseurs P1 et P2 croisés ou parallèles. L’onde incidente 0 est plane et, après traversée de l’objet transparent A, elle est déformée (onde 1) suivant les variations de phase de l’objet A. Par suite de la biréfringence de la lame Q, on a, dans l’image A , deux ondes correspondant aux rayons ordinaire et extraordinaire. La lame Q est choisie de façon que le dédoublement des images soit faible vis-à-vis de la déformation de l’onde. Grâce aux polariseurs P1 et P2, ces deux ondes peuvent interférer. Si la source émet de la lumière blanche, on observe sur l’écran E de vives couleurs caractéristiques non pas du chemin optique mais des variations de chemin optique. Le contraste interférentiel trouve de nombreuses applications: contrôle de la qualité des verres, examen des surfaces métalliques (observation par réflexion), étude des gradients d’indices en soufflerie... Il est très utilisé en microscopie pour l’observation de très petits objets de phase: les microscopes à contraste interférentiel sont d’un emploi particulièrement simple.

Interférences en lumière polarisée convergente

On se bornera à examiner le cas particulier d’une lame uniaxe, à faces parallèles, taillée perpendiculairement à l’axe optique ZZ . Éclairons cette lame en faisceau convergent. Dans la direction de l’axe optique, il n’y a pas biréfringence; mais, pour des rayons inclinés d’un angle i sur l’axe (fig. 14), il y a une biréfringence déterminée, qui croît avec i . Le déphasage 﨏 dépend seulement de i . La lentille L rassemble en un même point M de son plan focal ( 神) les rayons situés dans le plan de figure. Le retard 﨏 est le même en tous les points d’une circonférence d’axe ZZ du plan ( 神) et croît lorsqu’on s’éloigne de cet axe. On devrait observer, en lumière monochromatique, des anneaux concentriques alternativement noirs et brillants. La figure 15 a montre la superposition d’une croix noire due à la présence du polariseur et de l’analyseur dont les directions privilégiées sont croisées. La figure 15 b représente la figure d’interférences d’un cristal de quartz taillé parallèlement à l’axe. Les phénomènes en lumière convergente sont très variés. Ils sont utilisés pour déterminer l’orientation des lames cristallines, la nature uniaxe ou biaxe des cristaux et leur signe (fig. 15 c et 15 d), ce qui aide à reconnaître la nature des espèces cristallines.

3. Polarisation rotatoire

Description expérimentale

On a vu qu’un cristal n’est pas biréfringent pour la lumière qui se propage suivant son axe optique. En général, il ne modifie pas l’extinction lorsqu’on le place entre polariseurs croisés. Cependant, certains cristaux rétablissent la lumière dans ces conditions: tel le quartz. Le phénomène diffère de celui observé avec une lame biréfringente sur deux points:

– il n’est pas modifié par une rotation de la lame dans son plan, alors qu’une lame biréfringente produit l’extinction lorsque ses lignes neutres coïncident avec P et A;

– on peut rétablir l’extinction, en lumière monochromatique, par une rotation de l’analyseur d’un angle convenable .

Ces faits s’interprètent en admettant que la direction d’une vibration lumineuse rectiligne qui traverse la lame de quartz tourne d’un angle indépendant de l’orientation primitive de la vibration. L’angle de rotation est proportionnel à l’épaisseur l de la lame de quartz. On a:

[ ] est une constante caractéristique du cristal, appelée pouvoir rotatoire spécifique. Elle est égale à 210 mm-1 pour le quartz éclairé avec la lumière jaune du sodium. Selon que, pour l’observateur qui reçoit la lumière, la rotation a lieu dans le sens des aiguilles d’une montre ou en sens inverse, le pouvoir rotatoire est dit droit ou gauche, le corps dextrogyre ou lévogyre.

Le phénomène se rencontre dans des cristaux autres que le quartz avec des valeurs différentes de [ ] et aussi dans des milieux fluides: liquides ou gaz purs (essence de térébenthine, vapeurs de camphre) et solutions (très nombreux composés organiques, parmi lesquels les sucres, l’acide tartrique). Dans le cas des solutions, la rotation est souvent proportionnelle à la concentration c :

La mesure du pouvoir rotatoire sert à déterminer le titre des solutions sucrées.

En lumière blanche, la rotation produite dépend de la longueur d’onde (elle est, dans certains cas, à peu près inversement proportionnelle à la longueur d’onde). Pour les substances transparentes, croît rapidement du rouge au bleu, de sorte que si OP représente la direction de la vibration sortant du polariseur, après passage dans la substance douée du pouvoir rotatoire, les vibrations correspondant aux diverses radiations sont étalées dans un certain intervalle angulaire (fig. 16). Si cet intervalle est notable (sans toutefois dépasser 1800), l’analyseur de section principale OA peut éteindre successivement, en tournant, les diverses radiations du spectre, et la lumière qu’il laisse passer est vivement colorée.

Si l’on observe une lame de quartz taillée perpendiculairement à l’axe, en lumière convergente, on obtient l’aspect de la figure 15 b. La croix noire n’est plus visible au centre comme dans le cas de la calcite. La partie centrale, blanche sur la figure, correspond à des rayons traversant la lame de quartz presque normalement. C’est dans cette région que se manifeste le pouvoir rotatoire. Si l’on s’écarte de l’axe, la polarisation rotatoire disparaît et les phénomènes de biréfringence réapparaissent.

On peut mettre en évidence le phénomène de biréfringence circulaire en prenant un prisme de quartz (fig. 17) éclairé par une source de lumière naturelle.

Tenseur permittivité

Considérons un milieu d’indice réel et un milieu doué de pouvoir rotatoire, séparés par un dioptre plan . Supposons que le tenseur caractéristique du second milieu est de la forme:

Les valeurs de 﨎 sont réelles, les éléments de part et d’autre de la diagonale sont complexes conjugués.

Équations de Maxwell

Considérons une onde incidente 行i plane et parallèle à . Si est confondu avec le plan (x Oz ), les vecteurs d’onde dans les deux milieux sont parallèles à l’axe Oy , alors:

L’équation fondamentale (9), compte tenu de la valeur de [ 﨎r ],
donne, sur les axes Ox , Oy et Oz :

L’équation (22) montre que Ey est obligatoirement nul: le champ est transverse . Le déterminant des équations (21) et (23) doit être nul si l’on ne veut pas avoir une solution triviale:

On en tire:

Reportons cette valeur de k dans l’équation (21) ou l’équation (23). On obtient:

(au signe + de (28) correspond le signe + de (29)).

Autrement dit, aux deux valeurs de k correspondent deux vecteurs polarisation droit et gauche.

En résumé, on a deux vecteurs d’onde:

et:

deux indices de propagation normale: n G et n D; deux vitesses de phase (28):

deux vecteurs polarisation circulaire gauche et droit.

Interprétation

Ces résultats permettent de mettre en évidence le phénomène de polarisation rotatoire.

Supposons l’onde incidente polarisée rectilignement, par exemple suivant l’axe des x . À l’entrée du cristal, le vecteur de Jones est de la forme:

Nous savons que l’on peut toujours décomposer une vibration rectiligne en deux vibrations circulaires de sens inverse (cf. Polarisation ). Ce qui nous permet d’écrire (30) sous la forme (cf. fig. 18):

Le champ résultant, dans le plan y = l , a pour amplitude complexe:

ou encore:

En posant:

l’amplitude prend la forme:

On a une vibration rectiligne dont la direction de polarisation a tourné de l’angle par rapport à la direction du vecteur polarisation de l’onde incidente (fig. 18 et 19).

Polarisation rotatoire magnétique

Quand un corps transparent isotrope est placé dans un champ magnétique, la polarisation rotatoire existe pour les rayons lumineux qui se propagent parallèlement au champ. C’est le phénomène de la polarisation rotatoire magnétique.

L’expérience se fait aisément en plaçant une cuve de sulfure de carbone entre les pôles d’un électro-aimant dont les pièces polaires et les noyaux sont percés afin de laisser passer le faisceau lumineux parallèle à la direction du champ (fig. 20).

La rotation du plan de polarisation est proportionnelle à l’épaisseur l de substance traversée et à la valeur de l’induction magnétique B. Cette loi, énoncée par Verdet, se traduit par la formule:

福 est un coefficient qui dépend de la nature du corps et de la longueur d’onde.

Le sens de rotation est lié au sens de l’induction magnétique B et s’inverse avec lui; dans le cas le plus fréquent, c’est le sens de la circulation du courant qui crée le champ B (fig. 21). Contrairement au pouvoir rotatoire naturel qui est lié à la structure moléculaire du corps, le pouvoir rotatoire magnétique s’explique par l’action du champ magnétique sur les électrons. En effet, si on inverse le sens de propagation de la lumière, le sens de rotation dans le plan de polarisation, pour un observateur regardant la source, s’inverse. C’est le contraire de ce qui se produit pour le pouvoir rotatoire naturel où le sens absolu de rotation dépend du sens de propagation de la lumière. La rotation magnétique est donc doublée par réflexion. Ce principe est utilisé en radio-électricité dans la réalisation des lignes unidirectionnelles; il suffit de placer un matériau ferromagnétique à faible perte et à grande rotation magnétique dans un champ magnétique. Si l’on règle le champ pour obtenir à l’aller une déviation de 450, la déviation est de 900 au retour et elle est arrêtée par le polariseur d’entrée.

L’effet Faraday est lié à la décomposition des raies spectrales – d’émission ou d’absorption – par le champ magnétique [cf. SPECTROSCOPIE]. Lorsqu’on fait une observation spectroscopique dans la direction du champ magnétique, la raie de plus grande longueur d’onde a une polarisation circulaire en sens inverse du sens du courant créant le champ, et l’écart de longueur d’onde 2 嗀凞 entre les deux raies est proportionnel à B (cf. effet ZEEMAN).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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